Domaine du Saulchoir à Étiolles

Extrait d’un texte de Michel Caillard -historien- sur le Domaine du Saulchoir à Étiolles « Ruptures et continuités »1 in Étiolles un lieu en travaux 1999/2000, Évry, CDDP de l’Essonne, 1999.

« Enchâssés dans un écran de verdure masquant heureusement une architecture massive et disparate les bâtiments du centre d’Étiolles de l’IUFM dominent un parc clos, d’une douzaine d’hectares traversé par le ru des Hauldres, modeste affluent de la seine proche.

À la porte d’un siècle des millénaires nouveaux, peut-être n’est-il pas vain d’interroger le sol, la pierre, les archives, les témoins et nos souvenirs, afin de trouver quelques sens à cet environnement et de mesurer les apports de ces milliers de vies, le plus souvent anonymes qui se sont inscrites en ces lieux depuis plus de 13 000 ans.

Implanté à l’entrée du parking, le centre d’exposition archéologique rappelle qu’au Magdalénien (vers 11 000 av. J.-C) de petites bandes de chasseurs nomades durent traquer ici rennes, bisons et peut-être mammouths, y tailler des lames de silex et y rechercher le bois nécessaire à leurs huttes et foyers. (…) Il n’est pas invraisemblable d’imaginer qu’aux temps médiévaux, dans le voisinage d’une simple maison appelée au XIe siècle « Loge du Pontceau d’étiolles », des générations de « manants » s’efforcèrent d’arracher à cette terre « bleds » ou « racines », quelques « septiers » de vin destinés au gosiers locaux ou parisiens ou d’y faire paître leurs bêtes.

Entre le XVIIe et le début du XXe siècle vint le temps du Château celui des Hauldres : les toits d’ardoise et les lucarnes de son ultime avatar sont encore visible au coeur du domaine. Marie Gargan fut l’une de ces châtelaines : veuve d’un « conseiller du Roy », elle fonda en 1679 une école paroissiale pour « l’instruction des enfants » des deux sexes ; gratuite, elle la confia à « un maître …laïque….de bonne vie et moeurs » chargé de traiter « doucement » les écoliers et de leur « monstrer à lire, escrire et chanter à l’église ». Rythmée par les cloches de cette dernière, l’existence dans le domaine s’animait surtout à la belle saison avec la venue des propriétaires ordinairement parisiens et de leurs proches, bourgeois aisés, ecclésiastiques ou aristocrates, à l’image de la comtesse de Vieuville dont chevaux et tableaux furent confisqués en 1793. (…)

A partir de 1934 transformation spectaculaire du cadre matériel, de la population et de la fonction du domaine. Enserrant le « château » cédé par son dernier propriétaire, maire de la commune et architecte, surgirent de vastes bâtiments de meulière, surmontés d’un clocher s’y installa une communauté dominicaine, jusque-là exilée en Belgique, au Saulchoir, près de Tournai. Voué à la formation religieuse et intellectuel des novices de la « province » de France, le Saulchoir d’Étiolles abrita jusqu’à 150 occupants, semblablement vêtus de blanc et de noir, vivant au rythme strict des offices diurnes et nocturnes, des cours de philosophie, de théologie et d’histoire. Ce couvent d’études se voulut aussi milieu d’accueil de ressourcement pour nombre de requête retraitants laïques (près de 3000 ans 1954-55). (…).

En mai 1968, Horribilis visu, le drapeau rouge flotta quelques heures au sommet du clocher, hissé sans doute par des novices inscrits comme étudiants dans la capitale et mêlés aux événements qui la secouait alors. Peu après, le couvent affecté par la crise des vocations, fut transféré à Paris et les 350 000 volumes de sa bibliothèque déménagés. 1 Michel Caillard, « Ruptures et continuités… », in Étiolles un lieu en travaux 1999/2000, Evry, CDDP de l’Essonne, 1999, p. 5 et 6. (…)

Mutation en 1974 acquéreur du domaine le Conseil général du Jeune département de l’Essonne y installe l’école normale d’instituteurs et le dépôt principal des archives départementales. Si le site reste voué aux études et à la formation le clocher est abattu. Chapelle, dortoirs et cellules sont reconvertis. Jeans et jupes (…) se substituent aux bures monastiques, le personnel enseignant se laïcise et se féminise, verger et potager cèdent devant l’invasion automobile. « Normaliens » et « normaliennes », (une cinquantaine en 1975 quelques 300 en 1985) herborisent dans le parc, s’ébrouent au gymnase, s’époumonent à la chorale ou au théâtre et slaloment entre cours, ateliers, stages en école maternelle et élémentaire et sous réformes à répétition de leur cursus de formation. Périodiquement débarquent de retraitants d’un nouveau type, instituteurs de l’Essonne venus bénéficier de périodes de réoxygénation pédagogique autrement dit « stages de formation continue ».

Relevant depuis 1991, de l’IUFM de l’académie de Versailles (…), le centre d’Etiolles tente sous six directeurs successifs de faire face à ses missions anciennes et nouvelles (…). Étudiants et enseignants tapotent sur des ordinateurs, la « mise en réseau » progresse à petits pas, il est parfois question de « restructurer » les locaux alors que le ru des Hauldres continue de bruire doucement entre les érables, les robiniers et marronniers du parc. » (Décembre 1999) Depuis 2013, date du déménagement de l’IUFM, le Domaine des Hauldres, bien qu’entretenu par le Conseil Départemental, est à l’abandon.